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apropå, architecture d’intérieur brute et éclairée

Photo apropå  © Jasmine Caye

ARCHITECTUREChaleureux, naturel et intuitif. Avec leur atelier d’architecture d’intérieur apropå, Manon Portera et Valentine Maeder portent un geste architectural fait de lumière et de matières au travers d’une démarche durable.

L’une serait la matière, l’autre la lumière. La première se nicherait dans un terrazzo de brique mêlé de chaux tandis que la seconde nous éclairerait de la douce lumière d’une aube automnale. Manon Portera et Valentine Maeder portent en elles et à travers leur atelier apropå un acte d’architecture d’intérieur à la fois fort et engagé, sans sacrifier la douceur qui se dégage de leur voix comme de leurs projets.

Circularité et éclairage

La démarche durable des deux cofondatrices d’apropå – à propos, en suédois – passe par la réhabilitation de l’existant. « Nous nous intéressons depuis le début au réemploi, précise Manon Portera, diplômée en architecture d’intérieur. Lorsque nous travaillons sur un projet, nous essayons de valoriser un maximum la matière déjà sur place, et quand il nous faut nous fournir en matériaux, nous privilégions d’abord l’existant en nous tournant vers des filières de réemploi. Si nous devons utiliser du neuf, nous faisons attention à la provenance, la composition des matériaux, etc. »

Valentine Maeder, elle, scrute la lumière. « Ce qui me tient à cœur, c’est mieux maîtriser la lumière naturelle dans les espaces, et moins éclairer, détaille la conceptrice lumière. Je m’intéresse à la qualité et la quantité pour économiser l’énergie et favoriser le bien-être des utilisateurs du lieu. » « Sans lumière, tu ne vois pas la matière, et inversement », complète son associée Manon Portera.

Mieux maîtriser la lumière naturelle dans les espaces, et moins éclairer.

 

Matériauthèque et design

Leurs projets dévoilent tour à tour des structures simples mêlées de matières brutes, de tuiles, de métal, de briques, le tout mis en lumière par un éclairage tamisé, chaud. 

Au cœur des Charmilles, c’est à elles ainsi qu’au bureau Hypothesis, sous mandat HEAD-Genève, que l’on doit une partie des aménagements du centre culturel des 6 toits. Éléments trouvés in-situ, matériaux rapportés, colorés de rouge, s’harmonisent avec l’ancien.

Ci-dessus : l’îlot de la cuisine et les tables de ce lieu collectif sont par exemple composés de 8m2 de plaques de marbres issues du réemploi (cf photo ci-dessus). 

 Ici, les profilés métalliques gris ont été trouvés sur le chantier et utilisés pour créer les piétements d’une grande table rouge dont ils ont inspiré la forme.

 

A Annecy (FR), aux Nouvelles Galeries, l’atelier apropå a réalisé la scénographie de l’exposition « Tout part de la matière », avec 100% de matériaux de réemploi.  

« Notre façon de faire nous permet de privilégier le travail avec les artisans locaux et revendeurs du coin » précise Manon.

 

Chaleureux, brut et naturel

Sur la table, une magnifique théière en fonte fume. « Le thé, avant toute chose » rit Valentine Maeder. Car, chez apropå, il s’agit d’abord de discuter et comprendre le lieu. « Nous cherchons à savoir comment les gens vont vivre l’espace qui va être créé. Nous validons les matières.  La lumière mettra ensuite en valeur notre travail, elle doit être justement dosée et privilégier l’endroit qui en a le plus besoin. »

  

La HEAD, -Pulse et apropå.

C’est de leur amitié née durant leurs études en architecture d’intérieure à la HEAD, à Genève qu’apropå a pu voir le jour. Après un bachelor en architecture d’intérieur, les deux étudiantes se retrouvent en Suède. Ce sera Master en spatial design pour Manon, Master en architectural lighting design pour Valentine. « Nous étions une chouette volée à la HEAD. On y a fait plein de projets, on est parties en Suède… L’envie d’entreprendre s’est finalement faite de façon assez intuitive, reconnaît cette dernière. Nous avions envie de pouvoir faire des projets sans dépendre d’un bureau et nous assurer de pratiquer notre métier en adéquation avec nos valeurs. »

Un stage dans une entreprise de réemploi en Belgique, un projet en commun dans une boutique à Gland (VD) créent l’opportunité de lancer quelque chose.

 

L’aventure -PULSE démarre. L’incubateur de la HES-SO, la Haute École Spécialisée de Suisse Orientale, leur ouvre des portes, leur met à disposition un coach, des ateliers, un espace de travail et de réflexion, leur permet de concrétiser leur projet.  « -Pulse nous a permis de créer le bureau, explique Manon Portera. Notre coach Pascal Bourgier nous a boostées et poussées à mettre des mots sur notre concept de durabilité, mêlant matière et lumière. » Valentine Maeder complète : « -Pulse nous a fait nous poser les bonnes questions, car c’est un challenge que de parler de notre domaine à des gens qui proviennent d’horizons différents. »

Les deux gagnantes du Prix Coup de-Pulse 2020, qui récompense la créativité, l’ambition et l’esprit entrepreneurial, saluent un incubateur « ouvert, très connecté », qui sait mettre en valeur les alumnis et créer un réseau fort avec les autres projets et entrepreneurs.

  

Pour le réemploi en Suisse

Prochaines étapes, répondre aux nombreuses demandes qui leur arrivent dans leur local évidemment brut et naturellement éclairé de la Rue des Bains 63, à Genève. Un lieu ouvert et lui-même circulaire, baptisé L’Upcyclerie et qui accueille des entreprises alliant design et durabilité.

 Réfléchir, aussi, au futur du réemploi en Suisse, notamment par le biais du comité de l’association Materiuum dont fait partie Manon Portera, et de Cirkla, l’organisation de la filière du réemploi en Suisse où elles sont membres toutes les deux.

À travers les immenses vitres du local se diffuse, tel le thé fumant sur la table, la lumière un peu froide de ce matin frais. Mais elle n’est pas triste, ni glaciale. Cette lumière est au contraire douce, enveloppante, à leur image. Éclairage, circularité. Deux mots, deux matières, qu’elles enseignent d’ailleurs à la HEAD. Le réemploi est en marche. Une marche brute et naturelle, forcément.

Elsa Duperray, LA BOUCLE.