Iman Ama, terre d’héritage et de métissage.
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ENTREPRENEURIAT. Comme une ode à la nature et à leurs ancêtres, les deux créatrices genevoises Céline Arbuah et Sara Cooper puisent dans le fruit de la calebasse l’inspiration d’Iman Ama, leur jeune marque de sacs aux couleurs terre et neutres. Rencontre avec deux entrepreneuses au métissage inspirant.
C’est une dune de sable aux couleurs ocres jaune et rouge qu’une ombre brun terre de Sienne brûlée vient délicatement caresser. La forme est douce et affirmée et puise aux sources de l’Afrique. On pense à une femme à la fois forte, moderne et ancestrale.
Ou plutôt à deux femmes, entrepreneures métissées et créatrices d’Iman Ama, une marque de sacs respectueuse de la nature, aux valeurs fortes et engagées, qui s’inspire de la calebasse, un fruit aux allures « de gourde à fleur blanche », utilisée par tous les peuples depuis la nuit des temps.
Transmettre le métissage.
Ce n’est pas un hasard si Iman Ama prend ses origines au cœur des terres chaudes africaines. Les deux cofondatrices de nationalité suisse et amies d’enfance Sara Cooper et Céline Arbuah partagent toutes les deux plusieurs origines : anglaise et éthiopienne pour Sara, française, ghanéenne et anglaise -elle aussi- pour Céline. « Iman est mon second prénom, Ama celui de Céline, précise Sara Cooper. Il était important pour nous que notre marque porte le nom de nos racines afin de transmettre notre métissage ».
A l’image d’un conte immémorial qui remonterait aux origines de l’usage de la calebasse, Iman Ama crée des ponts entre une histoire ancestrale et notre présent, comme pour « tisser des liens » entre la citadine – qui porte à l’épaule, dans son sac, ses valeurs et sa féminité, et toutes ces femmes africaines qui savaient vivre en intelligence avec la nature et voyaient en ce fruit à forme de poire un matériau résistant au quotidien.
La calebasse, comme une ode à la nature.
« Nous avons choisi la calebasse pour son aspect robuste, résistant et multifonctionnel », détaille Céline Arbuah.
Nous nous sommes inspirées de l’utilisation qu’en faisaient nos ancêtres, qui avaient fondamentalement compris comment vivre de façon holistique avec la nature. Iman Ama est constitué de cela, de cette volonté d’amener dans nos vies de citadines la modestie et la force de la calebasse, comme outil performant et naturel. »
C’est donc ce fruit – de la famille des cucurbitacées, apprend-on – qui confère ainsi leur forme de poire antique aux sacs iconiques et facilement reconnaissables de la jeune marque genevoise, qui mise sur la production la plus locale possible et la plus respectueuse de la nature.
Authenticité, ingéniosité et aspiration.
L’authenticité et la nature sont au cœur des créations des deux amies d’enfance et désormais cofondatrices et associées, qui designent à quatre mains leurs collections. Les matières sont organiques. « Elles viennent d’Europe, explique Sara, car nous tentons de réduire au maximum les distances. Nous utilisons un cuir de raisin qui peut donner plusieurs aspects et coloris. » Céline Arbuah : « Et nous utilisons le chanvre pour les doublures. C’est un textile antibactérien, qui demande peu… c’est une sorte de super-héros du textile. »
A l’image du désert brûlant et pourtant si vivant de leur héritage, les couleurs des collections sont naturelles, terreuses, sableuses, dans les tons neutres et ocres, inspirées également de la pierre comme du bois.
Un prototypage est en cours. Réponse en chair et en tissu d’ici quelques mois.
« Un jour, nous créerons quelque chose ensemble ».
Si l’inspiration d’Iman Ama chasse en terres africaines, son histoire est bien genevoise ; c’est une histoire d’amitié forte, solide, basée sur la fidélité et l’honnêteté. Un lien profond, tissé dès l’âge de 11 ans. Les deux jeunes femmes sont alors dans la même classe, à Corsier. Les vacances se passent en Angleterre, à Kent pour Sara, à Londres pour Céline. Les deux amies partagent tout, de leurs origines à leur passion pour l’art, la mode et le design.
C’est le temps des études. La Head côté design mode pour Céline, architecture d’intérieure pour Sara. « Nous voulions toutes les deux être indépendantes et créer quelque chose ensemble », raconte cette dernière. C’est en plein confinement que nous avons lancé Iman Ama. »
Pitchs, –Pulse ! et entrepreneuriat.
Mars 2020. Les deux designeuses commencent à s’échanger des croquis et à créer des sacs à distance. Iman Ama est née. C’est le début de l’aventure entrepreneuriale et l’arrivée au sein de -Pulse Incubateur HES, qui a pour vocation d’identifier et d’accompagner les idées et les projets entrepreneuriaux innovants de la communauté issue des six écoles de la HES-SO Genève.
Durant dix-huit mois, les entrepreneures sont hébergées et suivies, remportent le Prix Coup de -Pulse, et participent à la Bourse Pro Helvetia.
« –PULSE a été une vraie chance et nous a apporté un accompagnement formidable grâce auquel nous avons pu construire notre business plan, nous challenger et affiner notre offre », s’enthousiasme Céline.
Connexions, réseautage, ateliers, workshops, validation des pairs… les deux créatrices y puisent élan et professionnalisme : « Caroline Widmer, la directrice, notre coach Camille Patthey, Gabrielle Loeb et toute l’équipe ont été incroyables, présentes et ont su nous aider à construire des bases solides. »
Devenir associées n’est pas chose aisée en amitié. Un argument que les deux entrepreneures balaient d’un revers – élégant- de la main. « Nous y puisons notre force, affirme Céline Arbuah. Sara est à l’écoute, c’est une personne calme, attentive avec la tête sur les épaules, honnête. » Des qualités que sa comparse lui attribue en retour.
L’avenir.
Prototypage en cours, une première collection fabriquée au Portugal, la marque n’attend plus qu’à être présentée au grand public. Ce sera pour novembre 2022. Les visages sont lumineux, les sourires sincères et enthousiastes. Les mots confiance, bienveillance et écoute sont partagés. D’Iman Ama comme de ses créatrices se dégagent une douceur extrême doublée d’une fulgurance, une force tranquille et inépuisable. Une solidité inscrite dans la pierre, le bois et la terre dont sont issues leurs créations.
Elles sourient. Au loin, là-bas, quelque part, une brise souffle sur une dune ocre jaune et brune, apaisante et ancestrale, comme une ode à cette terre africaine à la fois si lointaine et si moderne.
Elsa Duperray, LA BOUCLE.