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Nina F. D’Elia : « Il faut changer notre perception du mot déchet. »

Nina F. D'Elia, créatrice de Trashmanship

Nina F. D’Elia, créatrice de Trashmanship. Photo Antoine Methivier, du projet Moon Music.

DECHETSRendre à la poubelle ce qui appartient à la poubelle… et réinsérer le reste. Avec sa société Trashmanship, l’entrepreneuse Nina F. D’Elia change notre perception des déchets en leur offrant une nouvelle vie dans nos intérieurs.

Changer notre perception du terme « déchet », donner des lettres de noblesse au mot « poubelle », voilà le cheval de Troie de Nina F. DElia, créatrice de la société circulaire Trashmanship, qui propose notamment à la vente une sélection d’objets artisanaux de décoration et de meubles fabriqués à partir de tout ce que l’on jette ou ne désire plus. Pour la trentenaire en effet, rien ne se jette, tout se transforme – ou presque.

  

Une évidence circulaire

Son entreprise, qui promulgue également des conseils en architecture d’intérieur neutres en CO2 et des ateliers sur le design régénératif, aurait pu être lancée à Mexico ou en Italie, où elle a ses origines. Mais c’est sur les rives du Léman que Nina D’Elia, architecte d’intérieure dans une autre vie, a décidé de lancer son entreprise, mue par un profond engagement écologique et persuadée que l’avenir se trouve dans l’économie circulaire.

« Je ne peux plus concevoir de plans d’intérieur pour des boutiques ou des entreprises qui jetteront le tout quelques mois après, confie la trentenaire. Vous ne pouvez pas imaginer tout ce qui est jeté à la déchetterie et que l’on pourrait réutiliser pour fabriquer des meubles ou des objets de décoration. » 

 

Il suffit de jeter un œil autour de soi, dans son atelier de la Rue de Lyon, au cœur de l’incubateur -Pulse, pour s’en rendre compte, à l’image de cette lampe de cuivre recouverte d’une tôle froissée d’argent. Tout ici est issu de la récupération de déchets ou du tri des poubelles. Les confortables coussins sur lesquels nous sommes assis ? « Trash, déchets ! ». Le tissu design du canapé, les portants en laiton brossé alignés le long du mur ? « Trash ». « Je vais en faire un placard sur-mesure que l’on vient m’a commandé » précise Nina DElia.

Lampe de cuivre recouverte d’une tôle froissée d’argent, par Trashmanship.

De la longévité des objets.

Cette conscience de l’importance des ressources lui vient de sa famille. La grand-mère, tout d’abord, qui ne gâchait rien et donnait de la valeur à chaque chose. Le père, bricoleur, qui recyclait déjà les matériaux. La mère, enfin, archéologue, qui lui a « appris à savoir prendre le temps de chercher et fouiller ».

 

De son premier métier d’architecte d’intérieur, Nina D’Elia, elle-même bricoleuse et habile, retient la prise de conscience « de la longévité des choses et des objets ». C’est à cette période que cette jeune femme élevée entre le Mexique et l’Italie décide d’un nouveau parcours qui prendra source à Genève, à la HEAD, en 2019.  Pour les besoins d’un projet en Master, elle passe alors deux mois à observer le quotidien d’une déchetterie. Le ballet incessant des objets dévalués et dépréciés confirme son ressenti : sa prochaine entreprise proposera des meubles et objets de décoration éthiques et de fabrication artisanale. C’est le début de Trashmanship, lancé au sein de -Pulse Incubateur HES, avec une exigence … « que rien ne soit neuf ! ».

De son premier métier d’architecte d’intérieur, Nina D’Elia, elle-même bricoleuse et habile, retient la prise de conscience « de la longévité des choses et des objets ».

 

Prix Coup de -Pulse 2022

Alors que ses études à la HEAD se terminent, la jeune diplômée décide dintégrer un incubateur pour se faire accompagner et conseiller. Ce sera -Pulse Incubateur HES, qu’elle rejoint sur dossier. « Je voulais vraiment travailler avec tout ce qui ressort de nos poubelles, mais par où commencer ? Intégrer l’incubateur -Pulse m’a permis de rendre possible tout cela, raconte Nina D’Elia, qui donne aujourd’hui des ateliers de recyclages aux Galeries Lafayette en France et en Suisse. J’ai pu structurer mes idées et avancer vers la concrétisation de mon projet. L’accompagnement et les conseils de ma coach Gabrielle Loeb ont été décisifs et précieux. » Sans compter le réseau, les ateliers de pitch-training, de comptabilité, de marketing, et les autres « -Pulsés ». Un parcours couronné par un Prix Coup de-Pulse en 2022.

 

Trashmanship induit dans son nom la notion de bateau. Une sorte de vaisseau amiral en vogue vers un horizon circulaire avec, à son bord, la noble tâche de redéfinir la notion du terme déchet et gaspillage.

 

Elsa Duperray, LA BOUCLE.